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Un laboratoire d’un kilomètre

By 8 mai 2016mai 11th, 2016Fatchaplus, Numéro 7

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Les photos de cet article ont été réalisées par l’atelier photo de la MPT Panier Joliette.

Pour explorer en profondeur la question inévitable de la rénovation de la rue de la République, nous avons rencontré deux membres d’Un Centre Ville Pour Tous, l’association qui milite depuis plus de dix ans pour les droits des habitants, et pour que cette rue reste une “rue pour tous”.

Patrick Lacoste est un des cofondateur de l’association. Économiste et urbaniste, il dirigeait le service foncier urbanisme de la Région PACA, qui a pris de l’importance en 2004, notamment sur les politiques en matière de logement social. 

David Mateos Escobar est urbaniste de formation et impliqué dans un Centre Ville Pour Tous depuis 2007. Il a toujours essayé de faire que ses travaux universitaires, de la licence au doctorat, puissent être mis à contribution des actions de l’association.

Un Centre Ville Pour Tous est née en réaction aux programmes de réhabilitation immobilière du centre-ville, de Belsunce et du Panier dans les années 2000. L’association réunit pour l’essentiel des habitants du centre-ville, militants au droit au logement, et professionels dans l’urbanisme, l’aménagement ou l’architecture.

Une partie de l’équipe, pilotée par Chantal Bourglan, a des compétences juridiques en matière de droit au logement et de défense des locataires.

Comment a commencé votre implication dans la réhabilitation de la rue de la République ?

À l’été 2004, quatre ou cinq habitants de la rue de la République, locataires, sont venus nous voir. Ils venaient des parties rachetées par ANF et par Lonestar (devenue Lehman Brothers en 2008). Ils avaient reçu 150 lettres de non renouvellement de bail et nous demandaient si cela signifiait qu’ils allaient être expulsés.

Lors de la conférence de presse d’août 2004, Danielle Servant – l’adjointe à l’urbanisme – entourée de l’ANF et Lonestar, déclare « la rue n’a pas vocation à devenir une rue de logement social ». Et à la question du devenir des habitants actuels, elle dit « ils n’ont pas vocation à rester dans la rue ».  

C’était très clair, très violent.

Suite à cela une très forte mobilisation se crée, avec pétitions, porte-à-porte et réunions publiques.

Pourquoi sont-ils venus vous chercher ? Quelle était l’image d’un Centre Ville Pour Tous ?

Nous étions ceux qui avaient partiellement empêché les expulsions des immeubles du centre-ville, surtout des familles, des vieux travailleurs immigrés. On avait évité les expulsions des immeubles de Belsunce qui avaient été rachetés par la Ville et vidés avant acquisition. On était connus pour ça, pour avoir empêché ça par le biais de manifestations, de rassemblements et de procès que l’on a gagné.

“Les habitants se réunissaient à 10-15 pour poser leurs problèmes et essayaient de les résoudre collectivement”

Quand les habitants sont venus nous chercher, nous étions affolés par l’ampleur de la tâche. On se disait qu’il était absolument impossible qu’une équipe de 30-40 adhérents s’occupe de ce problème. Nous leur avons dit de se prendre en charge et que nous allions les aider car nous avions le savoir faire, la presse, l’action des médias et de juristes. Cela a donné lieu, pendant plusieurs années, à des manifestations. Notamment la grande manifestation de novembre 2004 avec environ 600 manifestants, de la place Sadi-Carnot à la mairie avec pour slogan « non à l’expulsion ».

Là ça a marqué car les élus ont pris conscience de l’ampleur de la réaction des habitants à la politique d’aménagement de la Ville. L’État a pris conscience qu’il se passait quelque chose et a commencé à faire pression sur la mairie. On a mis en place une permanence avec les habitants qui se sont réunis pendant cinq années tous les 15 jours. C’est le fameux processus qui est décrit dans le livre « Attention à la fermeture des portes ».

Les habitants se réunissaient à 10-15 pour poser leurs problèmes et essayaient de les résoudre collectivement. Avec la présence de toujours 5-6 militants d’un Centre Ville Pour Tous.

Ce sont surtout les habitants qui ont fourni le travail, qui ont construit progressivement une défense collective.

La mobilisation a quand même abouti à ce que l’État révise sa position vis à vis des investisseurs comme ANF et les américains, en leur disant qu’ils auraient des permis de construire, immeuble par immeuble, quand il sera prouvé qu’il auront relogé tous les locataires. Tant qu’il y avait un locataire non relogé, ou encore dans l’immeuble, ils ne pouvaient prétendre au permis de construire. D’où le basculement qui a eu lieu au moment de la crise financière de 2008, quand toute l’opération s’est effondrée et arrêtée. Notamment sur la moitié qu’avait racheté Lehman Brothers en juin 2008.

La crise éclate en septembre. Effondrement. Faillite. Tout est arrêté.

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C’est  à ce moment là que l’Etat met la pression sur le fait qu’il faille respecter le compromis initial d’Euromed 2002 stipulant la création d’un tiers de logements sociaux, un tiers libre et un tiers de logements intermédiaires.

On a jamais vu ces logements intermédiaires.

Il y a peu de temps vous avez publié une étude sur la rue de la République. Qu’est-ce qui a déclenché ce travail ?

En 2015, dix ans après le début de l’opération on s’est demandé où l’on en était. En effet, depuis 2008-2009, il n’y a plus grand chose qui bouge. La pression des habitants s’est beaucoup calmée, la rénovation a stagné depuis 2009 avec ATEMI qui était un nouveau joueur sur le terrain et à peine arrivé n’avait plus  accès a ses sources de financement – c’était la chute de Lehman Brothers.

À ce jour, les puissances publiques n’ont pas engagé de démarche d’évaluation d’ensemble, économique et social. Il était nécessaire de faire une piqure de rappel, par la preuve, comme on l’a toujours fait à un Centre Ville Pour Tous, en mettant sur la place publique un certain nombre d’élément de bilan et en observant ce que cela génère.

En fait, nous avons enquêté sur la totalité des ilots concernés par l’OPA République. C’est un périmètre établi en 2002 dans lequel les propriétaires auraient le droit à des subventions de l’État pour rénover. L’association a toujours observé ce qui ce passait à l’intérieur de ce périmètre qui englobe l’ensemble de la rue de haut en bas mais aussi des ilots vers la place de la Joliette, au pied de la Major…

Nous nous sommes plus concentrés sur la rue de la République car c’est là que la violence était la plus forte. On s’est aussi concentré sur ce qui se passait dans le patrimoine des deux principaux propriétaire : Lonestar, et ANF, le propriétaire historique qui gérait ce patrimoine plutôt en bon père de famille.

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Qu’est-ce qui ressort de ce bilan ?

On constate que la rue reste une rue privée. Ça a toujours été une rue privée, ça reste une rue privée.

Ensuite il y deux constat à faire :

1- la propriété s’effrite car on passe de deux grands propriétaires à plus d’une quinzaine de grands et moyens propriétaires aujourd’hui. Sans compter les copropriétés et les immeubles qui appartiennent à un seul propriétaire.

Ça pose une première question : la rue a été difficile à rénover avec deux propriétaires, alors qu’en sera t-il avec quinze ?

2- des bailleurs sociaux apparaissent. On compte aujourd’hui 15% de logements sociaux stables. Ce qui est une bonne chose, même si nous somme encore loin du tiers de logements sociaux promis.

Ensuite il y a la question de la rénovation. Il y a une sorte de graduation dans les constats. Sur l’état de rénovation, il y a plus ou moins la moitié des immeubles qui ont fait l’objet de travaux, notamment de façade. Tous les immeubles de la rue, sauf quelques exceptions, ont été ravalés. En revanche l’intérieur peut être différent de l’état extérieur du bâtiment. À l’intérieur on se retrouve avec un bon tiers d’immeubles dont les rénovations sont partielles. Et ça donne l’impression d’une rénovation qui attend la vraie rénovation. Parmi ces immeubles rénovés partiellement, un bon nombre sont occupés. Donc les choses avancent mais 10 ans après, ça n’avance finalement pas si vite que ça.

Ce sont donc des rénovations moyennes en terme de qualité et il n’y pas de réflexion sur les charges, notamment sur la diminution de la facture énergétique car on passe du tout gaz au tout électrique, ce qui est une régression.

En terme d’occupation, en 2002, Euroméditerranée faisait état de 30%, en moyenne, de logements inoccupés. Le nombre de logement a évolué, notamment sous l’effet de la sous division des appartements. On passe de 2700 à 3400 logements dans la même surface. Concernant le nombre d’habitants ça sera un des résultats de la deuxième enquête. Dans tous les cas on a une augmentation du nombre de logement et quand on regarde l’occupation des logements on est toujours à 33%. Il y a la même proportion de logements vacants, mais en nombre il y en a plus. C’est 33% sur les 3400 logements donc il y autant ou plus de logements vacants aujourd’hui.

“On peut se poser la question de savoir pourquoi. Est-ce une déconnection entre les loyers et les prix demandés à la vente et le service rendu ? Ou l’offre en elle même, sa qualité ?”

La rue de la république c’est quand même un trou… C’est un trou creusé entre deux collines, il n’y a pas la vue sur la mer. Souvent les appartements ne sont pas vraiment traversant.

Pour les loyers, ça dépend des lots. Quand on prend le passage de Lorette, qui est à l’intérieur, tu ne peux pas décemment vendre ça à 3200 ou 3400 euro le mètre carré, qui est le prix moyen rénové offert. Avec une moyenne à Marseille de 2200 euro le mètre carré, c’est surévalué !

Pour beaucoup, C’est Euromed qui est responsable de cette gestion de la réhabilitation de la rue. Est-ce aussi simple que ça ?

Non. Le périmètre de l’opération République est inclus dans l’opération Euromed, donc dès le départ la puissance publique dit « je veux controler ça ! ».

Mais en réalité Euromed de 1995 ne comprenait pas le secteur République et il y a eu pas mal de tractation – en attendant la confirmation des grands propriétaires pour savoir s’ils allaient ou pas la rénover – pour l’intégrer en tant qu’appendice d’Euromed. Ça ne s’est pas fait tout de suite.

C’est en 2002 qu’elle est incluse, avec l’OPA. C’est presque une obligation car il y a beaucoup de subvention publique qui vont venir sur la rue, notamment pour les façades, il faut que la puissance publique ait un pied là dedans.

En pratique, la gouvernance d’Euromed a toujours considéré que comme cette rue était l’affaire de deux propriétaires privés, ce n’était pas leur problème.

Donc si on doit faire un reproche ce n’est pas que Euromed ait chassé les gens, ait mal mené les opérations, c’est que le compromis interne d’Euromed a laissé faire les propriétaires privés. Ils n’ont jamais vraiment suivi l’opération, ils ne l’assument même plus du point de vue immobilier. L’année dernière, on leur a demandé où ils en étaient et ils étaient incapable de nous répondre.

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“C’est une non gestion ou plutôt un abandon de l’Etat. C’est une ambiguïté constante dans la nature même de cette opération. Est-elle publique ou privé ? Elle est les deux.”

Une des conséquences, c’est que le deuxième tiers qui était promis n’existe pas.

Nous on ne cherche pas a avoir 100% de logement sociaux dans une rue. Cela créerait un ghetto de pauvre à côté d’un ghetto de riche. On tenait beaucoup à ce deuxième tiers intermédiaire pour les gens de classe moyenne, des salariés ordinaires, pas que des gens très pauvres. Et la puissance publique a complètement largué ça. Elle a laissé faire les deux propriétaires privé ce qui donne des prix qui ne fonctionnent pas. Aujourd’hui, qui peut acheter à 4000 € ?

On va probablement avoir 600 logements étudiants dans la rue et autour fin 2016. Quelque part ça peut rajeunir mais en même temps c’est une population instable qui ne réside pas forcément dans la rue, qui ne se l’approprie pas. Et on a une deuxième partie de population instable qui sont les locataires des lots qui ont été vendus à de petits ou moyens investisseurs. Car quand ils se retrouvent confronté à 700 € pour un faux T3 de 55m2, au bout d’un an ils cherchent ailleurs.

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“Et puis c’est  une rue avec 55% de commerces vides, pas de vie culturelle, pas de vie sociale… ça ne donne pas envie de rester.” 

Ça c’est le sujet principal qui a fait parler lors de la publication de notre enquête en 2015. C’est le seul sujet sur lequel les élus ont réagi.

Euromed à répondu qu’ils n’avaient pas de données de bilan pour les autres aspects mais que par contre sur le commerce il y avait vraiment quelque chose à faire et ils ont réagi positivement. Ils ont réuni les grands propriétaire des rez de chaussées pour tenter de faire bouger les choses.

Il y a d’autres signes, notamment l’installation de 3013 et de deux autres locaux qui sont des occupations temporaires. On voit cela également aux Docks. Quand on a des espaces commerciaux vides, on se dit qu’il faut les occuper car cela fait minable de ne pas avoir de boutiques dans des lieux récemment réhabilités. Et donc l’idée est d’occuper ces espaces vides au moins temporairement pour des loyers ridicules en espérant des jours meilleurs. Ce n’est pas une mauvaise chose mais c’est un signe de quelque chose qui ne marche pas comme voulu. Les gentrifieurs ont fait ça partout, à Liverpool, à Long Island.

La ville de Marseille a eu cette stratégie depuis Vigouroux dans les friches industrielles en installant des ateliers d’artistes. Car il y avait vraiment cette peur que le dispositif commercial maghrébin, qui était très actif et à la recherche de ce type d’espace puisse ce développer. Michel Peraldi l’explique très bien, il y avait une concurrence autour de ces espaces de centralité des quartiers portuaires. La stratégie était de les occuper temporairement avec des gens qui ne plaisent pas trop mais qui sont faciles à faire entrer puis à faire sortir.

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Dans un article de 20minutes vous évoquez le fait qu’un des points positifs de cette rénovation douloureuse, c’est que la mixité sociale perdure.

Oui, grâce aux habitants il y a une vraie mixité sociale dans la rue de la République. Alors que le concept de mixité sociale utilisé par les pouvoirs publique est un concept d’exclusion. Le rêve de Danielle Servant en 2004, c’était de faire venir les cadres supérieurs. Pour eux la mixité sociale consistait à chasser les pauvres.

Ici on va finir avec au moins 550 ménages en logement social et des salariés moyens qui louent. Très peu de propriétaire occupant quand même. C’est en quelque sorte une victoire populaire.

La mixité sociale est là, malgré la volonté municipale. On constate tout de même que dans un même immeuble, d’un étage à l’autre, il y a des situations très différentes. Et puis après, de quelle mixité parle t-on ? À quelle échelle ? Cela mérite d’être étudié plus attentivement.

Quelle sera la situation de la rue de la République dans 10 ans, selon vous ?

Le scénario qui ne se réalisera pas est celui des classes supérieures de Paris qui viendraient habiter la rue. La mairie rêvait de l’arrivée des Parisiens avec le TGV. Mais celui qui arrive en ayant vendu un T3 à Paris à 1 million d’euros dans le 5ème arrondissement, son million est-ce qu’il le met Quai du Port – bruyant, avec les bateaux qui tournent toute la nuit et les vibrations – ou est-ce qu’il achète une villa sur la Cote Bleue ?

Marseille perd de la population, non pas parce que les marseillais partent mais en raison du bilan démographique négatif.

La Ville s’est loupée avec sa politique immobilière du tout tourisme.

La rue de la République peut redevenir normale si l’activité commerciale redémarre, ce qui n’est pas encore gagné. Même probablement perdu pour une décennie encore. Si la vie culturelle, commerciale et sociale redémarre ça peut donner un sentiment de bien être dans la rue qui n’existe pas aujourd’hui.

La partie habitat devrait redevenir progressivement normale, les investisseurs vont revendre à perte.

Pour la partie commerciale, la suggestion que faisait Pierre-Louis Soldaïni, l’ancien directeur général de l’établissement public foncier, était que la puissance publique pourrait investir pour racheter en bloc tous ces rez-de-chaussés commerciaux et avoir une politique publique comme à Paris, pour empêcher les franchisés de s’installer, bloquer les espaces et avoir une vie de quartier commerciale ordinaire. Selon lui, cela serait une opération raisonnable et réalisable. Ainsi que de racheter les immeubles actuellement inoccupés.  

Mais pour ce faire il faudrait une volonté forte de l’État ainsi qu’une volonté municipale car Euromed c’est les deux.

Ce qui va sans doute se passer, c’est une évolution progressive du marché, avec des loyers et des prix à la vente qui s’alignent progressivement  et finalement une occupation, dans 10 ou 15 ans, qui ressemblera à tout le reste de la ville. Ce serait la même histoire qui recommence.

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Est-ce qu’aujourd’hui les habitants ont encore un rôle à jouer dans cette rue ?  Qu’est-ce qu’ils peuvent faire ?

On ne peut plus dire “les habitants” aujourd’hui.

Avant il y avait un bloc, parce qu’ils étaient tous confrontés à la menace d’être mis à la rue dans un an ou deux, et les gens ne se mobilisent que quand ils se sentent menacés.

Aujourd’hui il y a un peu d’anciens qui se sont battus, d’autres qui ne se sont pas battus et qui aujourd’hui ont peur – ils se disent qu’ils auraient peut être dû se battre avant. Il y a des nouveaux, ceux qui connaissent un peu l’histoire et que ça intéresse éventuellement de se ranger aux côtés de ceux qui seraient aujourd’hui menacés. Il y a ceux que ça n’interesse pas du tout. Il y a ceux qui sont propriétaires mais qui n’habitent pas. Peut être qu’ils se soucient un peu du destin de l’ensemble ou qu’ils ne se soucient que du destin de leur bien. Il y a les nouveaux qui sont des jeunes en transit, tous ces étudiants pour qui tout va bien. Ils ne connaissent pas l’histoire de cette rue, ils ne savent pas où ils mettent les pieds, et pour eux c’est super de vivre là, c’est une rue bien localisée, centrale, avec des transports en commun et il y a un certain prestige qu’on a pas forcement quand on est étudiant. Il y a un Starbucks, il y a Monoprix…

Les habitants ne sont plus « un ». Il y a vraiment des situations très différentes.

Donc de ce point de vue, pas de révolution urbaine en vue.

La rue de la République c’est un peu un laboratoire de ce qui se passe dans la ville, de façon très générale et de façon très spécifique. Un laboratoire de un kilomètre où on peut lire l’ADN de cette ville. On a tous les acteurs : la municipalité, l’État, les différents types d’habitants, de propriétaires, les différents types de stratégie d’investissement, de la coercition politique ou pas, le laisser faire, les différents niveaux de négociation… Tous les acteurs de l’aménagement se superposent… C’est absolument fascinant.

Il y a des équipes de chercheurs d’un peu partout en Europe qui viennent l’étudier. C’est un laboratoire de la désagrégation de la puissance publique.

La spécificité de Marseille – les quartiers populaires en centre-ville – a-t-elle encore de beaux jours devant elle ?

Sans doute. Avec les mauvais côtés que ça peut avoir aussi. Phénomène assez nouveau depuis deux ou trois ans : plusieurs personnes assez avisées nous indiquent qu’il y a des marchands de sommeil qui achètent des immeubles entiers. C’est une vraie dynamique de dégradation. Ce sont des investisseurs qui achètent à tour de bras, ce qui veut dire qu’ils vont laisser se dégrader les immeubles tant qu’ils peuvent faire rentrer des locataires. Au début ils vont mettre des étudiants, des jeunes actifs,  puis à la relocation ils vont peut être mettre les mêmes, ou des artistes, qui paieront moins souvent ou avec du retard… C’est ceux qui ont les terrasses, mais quand on descend dans les étages on a plutôt des chinois de Belsunce, des maghrébins, la porte ne ferme jamais, ça pue la pisse, les boites aux lettres sont casssées et peut être que demain les derniers artistes qui restent là vont se casser et finalement il n’y aura plus d’artistes et il ne restera que trois familles comoriennes dans un T3.

Il y a de la gentrification dans certains endroits, mais il y a de la paupérisation aussi.