Skip to main content

Solidarité et précarité renforcées

By 14 décembre 2020décembre 16th, 2020Fatchaplus, Numéro 16

Violette Fillaudeau,
Étudiante en master 2 de psychologie sociale de la santé,
en stage à la Résidence Sociale de Coco Velten,
livre ses observations suite aux confinements.

Le confinement, cet évènement qui semblait jusqu’alors inimaginable dans l’esprit de tous. Qui aurait pu imaginer, un jour dans sa vie être contraint d’être enfermé chez lui ? Qui aurait pu imaginer voir sa liberté réduite à 1km à la ronde ? Qui aurait pu imaginer un jour être soumis à un couvre-feu ? Limiter ses déplacements, ses liens sociaux ? C’est la dure épreuve à laquelle le monde est actuellement confronté.

Le confinement, épisode difficile, révélateur pour d’autres. Entre temps pour soi, sa famille et renforcement de l’exclusion et de l’isolement… Une chose est certaine, il aura touché chacun de bien des façons. Certains y voient du positif d’autres ne peuvent y voir que du négatif.

Le confinement, s’il touche tout le monde, ce qu’il rend plus compliqué à voir, c’est la pérennisation des situations de précarité, c’est le plongeon dans la pauvreté : ce sont les dommages collatéraux de cette crise sanitaire et de ces confinements. Alors que les journaux se préoccupent de comment skier cet hiver, des gens, les vrais gens, ceux qu’on croise au quotidien, se questionnent sur comment manger, comment se chauffer, comment s’habiller, comment continuer à vivre.

Le confinement, si on a tous été soumis aux mêmes règles, il est certain que nous n’étions pas égaux face à celles-ci. Pour rester chez toi faut il encore avoir un chez-toi. Pour télétravailler, assurer la scolarité à distance faut il encore en avoir les moyens. Qu’en-est-il de ces individus déjà isolés mais aussi parfois paradoxalement entassés ?

Je suis étudiante en master 2 de psychologie sociale de la santé. Lorsque le confinement numéro 1 est arrivé, j’allais commencer mon stage à la Résidence Hôtelière à Vocation Sociale Coco Velten, la situation a fait que ce dernier a été repoussé. Ce stage était aussi le terrain de mon mémoire. Je pensais travailler autour de la question des enjeux psychosociaux de l’accompagnement social, de la place du psychologique et de l’environnement dans les situations de précarité, d’exclusion ou d’isolement. Mais la situation que nous traversions était inédite et présentait alors un riche terrain d’étude.

Ainsi, j’ai choisi de traiter la question des enjeux psychosociaux de l’accompagnement social en période de crise sanitaire lorsque j’ai pu commencer mon stage, en juillet 2020. Ce que je vous livrerai ici n’est pas le résultat de mon travail de recherche – si la récolte des données est terminée, celles-ci ne sont pas encore exploitées. Je ne prétends donc pas ici livrer une analyse scientifique mais plutôt une observation naïve de la vie dans cet endroit, ce foyer de vie collective qui a traversé 2 confinements, lui aussi, mais à 80 personnes. Je n’étais pas présente lors du confinement numéro 1 mais l’on m’en a beaucoup parlé. Par contre j’ai pu observer le confinement numéro 2.

Mais alors qu’est-ce que c’est le confinement quand tu vis dans une résidence à vocation sociale ? C’est une question qui m’a semblé importante à poser aux résidents. Pour eux, c’est une impossibilité. Il y a une barrière architecturale à la distanciation sociale. Ils questionnent : comment ne pas se croiser alors qu’on partage les mêmes douches, les mêmes cuisines ? Comment respecter et ne pas être plus de 3 dans le même espace commun ? Cela doit-il se faire au dépend d’un rythme de vie ? Mais ils remercient, la résidence n’a pas été touchée, je me souviens de ce résident qui m’a dit « il n’y a pas de COVID a Coco Velten, on est bien, en sécurité ». Ils remercient la vie d’avoir continué.

La peur qui régnait lorsque le COVID n’était alors qu’un inconnu a petit à petit diminué et a laissé place aujourd’hui à la volonté de chacun de pouvoir avancer. Avancer, continuer, maintenir les activités pour préserver la santé mentale. J’ai pu observer ce grand besoin d’activités. Quand la vie extérieure s’arrête il est alors difficile de trouver une échappatoire, un lieu pour se réfugier.

Si nous, habitants d’un logement « traditionnel » avons été nombreux à nous consacrer à de nouvelles activités, à remettre en question nos modes de vie sans pour autant être préservés des « baisses de moral », c’est une activité complexe dans des conditions différentes. Alors pour ne pas subir l’enfermement ils manifestent la volonté que la vie continue dans la résidence. On y voit là l’opposition entre le risque de mort biologique et de mort sociale. Dans un premier temps, lorsque le virus était encore inconnu, l’incertitude poussait à s’isoler pour se protéger et protéger les autres. Aujourd’hui, chacun s’est habitué et adapté à sa présence dans notre environnement, il semble être un objet contrôlé, suffisamment contrôlé pour réduire la peur qui y est associée. Le danger de mort potentielle qu’il peut représenter est moindre par rapport au danger direct sur la vie sociale. Ainsi, ce que j’observe c’est le besoin de reprendre le contrôle chez des gens qui se sentent suffisamment en sécurité pour refuser la mort sociale et le renforcement de leur isolement.

Le confinement et la crise sanitaire ont certainement été à l’origine d’un renforcement de la solidarité, des aides alimentaires (notamment) mais aussi d’un renforcement de la précarité. Ce que j’ai pu observer c’est que la crise sanitaire n’a pas créé de nouvelles situations de précarité, de nouveaux problèmes liés à cela mais a plutôt mis en lumière des problématiques déjà existantes touchant les plus précaires et pérennisant leur situation. Aujourd’hui les conditions de travail précaire, les conditions de logement, l’isolement … sont plus visibles qu’avant et les gens composent avec, cherchant à maintenir leur vie sociale plus importante.