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La République des mots

By 8 mai 2016mai 11th, 2016Fatchalire, Numéro 7

Depuis le mois de novembre, un groupe d’habitants de la Joliette se réunit toutes les semaines pour écrire le quartier, l’observer, le raconter, en prose ou en alexandrins. Ils distillent du sensible dans ses veines bétonnées, révèlent le caché et l’indicible, une identité qui s’effrite ou peut-être qui ne demande qu’à naître. Pour ce numéro, Ils ont écrit

les voeux de la rue de la République

parolesderep-textes

Être – par Framboise

Être le creux de vos pas jusqu’aux Docks

Être chaque numéro même jusqu’au sang, celui qui à coup sûr sera gagnant.

Être votre tapis volant aux senteurs de roses pétales venues de l’autre rive, là-bas…

Être cette montée qui se pose Place Sadi Carnot et cette descente qui vous embrasse jusqu’à la Joliette.

Être votre main, la bienveillante, celle qui vous accompagne dans les rais publics du soleil.

Être moins Fashion et plus Fatche de..!

Être votre montée ou votre descente selon votre humeur.

Être sous vos pas ce que vous cherchez depuis longtemps déjà.

Être toujours en forme, courbe, là où l’austérité de la droite ne plie.

Être à votre goût à chaque fois que vous arpentez mon flanc.

Être à la hauteur de votre démarche celle que vous voulez atteindre.

Être de nouveau le liant de la Palette d’or jusqu’au bout de ma ligne de fuite.

Être sans être là et vous voir me regarder avec l’oeil de celui qui s’étonne.

Être votre artère préférée à m’en rompre l’anévrisme.

Être vivante.

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Agir – par Gaspard

Choper mes files de voitures par le colbac et les serrer jusqu’à ce qu’elles claquent,

Couper tous les moteurs et leur enfoncer les clefs dans le… cendrier.

Aller faire un tour aux States, pour découper à la machette les fonds de pension qui pensent que je suis le genre de rue qu’on achète.

Virer mes bourges pour varier les bouilles, mixiser le social pour que la différence devienne banale.

Rétrécir pour que la vie de quartier puisse s’épaissir, me resserrer pour que mes riverains puissent se parler.

Me resalir les façades, pour effacer cet air maussade. Que les graffeurs viennent me refaire le portrait, qu’on recouvre ma blancheur de vierge effarouchée.

Accueillir les jeunes et les fêtards jusqu’à tard le soir, que résonnent le bruit de la vie, des gens et le rire des enfants.

Qu’on remplisse enfin mes appartements vides, que des boutiques viennent nettoyer mes airs fantomatiques et que les bars accueillent les hères symptomatiques.

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Aimer – par Marion

Devenir piétonnière et que seuls sur mon corps puissent déambuler les engins non-motorisés

Que les chiens aillent chier ailleurs

Avoir une plage de chaque côté

Revenir à la source de mon nom, être la chose du peuple, où tout serait gratuit, autrement dit – enfin libre !

Sentir une dernière fois les effluves du gingembre et de la cardamome du petit restau viêt où la femme sert toujours en survet bleu marine

Organiser une teuf géante pour les ratons expropriés de la place Sadi Carnot qui nichaient dans les chenilles des excavatrices. Dans les bols il y aurait des cubes d’Emmenthal, de Gruyère, de Beaufort, de Cheddar, des fougasses et des Mouna. Leur faire honneur quoi ! Une fois n’est pas coutume

Officialiser l’anarchie transfuge de mes espaces longitudinaux, piétons sur la chaussée, trams sur les trottoirs, vélos et rollers sur les rails

Transformer toutes les enseignes commerciales en messages d’amour