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Un jeu de carte pour lutter contre le sexisme et le harcèlement de rue

By 29 novembre 2021décembre 10th, 2021Fatchaplus, Numéro 18

Moi c’est Madame est un jeu de cartes qui donne plein d’idées pour riposter et lutter contre le sexisme. Le jeu est né de la rencontre de deux femmes engagées : Elsa Miské, co-fondatrice du podcast YESSS, et Axelle Gay, créatrice de jeux de société chez L’Éclap.

Halima a interviewé Axelle Gay…

Halima : Pourquoi avez-vous inventé ce jeu ?

Axelle Gay : Avec des amies, on a constaté que face à des attaques sexistes, on reste un peu sidérées. On ne sait jamais quoi répondre sur le moment, et après on se dit “j’aurais dû dire ça !” Ça serait bien d’avoir plein de ripostes dans la poche, non ? Comme ça si quelqu’un nous embête, on en pioche une et on la lit pour ne pas se laisser faire. Et j’ai rencontré des filles qui ont créé un podcast qui s’appelle YESSS dans lequel elles mettent en avant des femmes qui ont su riposter face au sexisme. Il y a plein de témoignages ! Ce podcast fait beaucoup de bien aux femmes, et on a eu envie de le décliner en jeu. Ça permettrait aux femmes de s’entraîner entre copines dans un contexte bienveillant et convivial, et permettrait aussi aux hommes de se mettre à la place des femmes et de se rendre compte de ce qu’on subit au quotidien. Ça les aiderait eux aussi à riposter quand ils entendent une attaque sexiste par exemple.

Halima : Moi, je pensais que le harcèlement de rue, c’était des insultes ou des personnes qui nous suivent.

Axelle Gay : Oui, le harcèlement de rue, ça n’est pas forcément une agression. Il y a différents niveaux. Il y a un outil qui s’appelle “le violentomètre”. Tu as au départ des petites remarques comme “hey, charmante mademoiselle !” et après, ça peut se dégrader jusqu’à devenir une agression physique. Mais déjà, une petite attaque, ça n’est pas anodin. Et puis, il y a la question du consentement. Est-ce que tu as envie qu’on te parle ? Si tu n’es pas d’accord, c’est du harcèlement.

Halima : Moi, je ne me suis jamais faite insultée mais ça m’est déjà arrivé que des garçons me “draguent”. Parfois, j’évite des endroits mais maintenant, je me dis que ça ne sert à rien. Par exemple, ma mère préfère  que  je fasse des détours pour éviter certaines rues. Moi je pense qu’il ne faut pas le faire, et plutôt essayer de se défendre. Parfois, ce ne sont pas des paroles, ce sont des regards insistants. Moi, c’est ce qui me dérange beaucoup dans la rue, ça me gêne et je vais commencer à marcher vite. 

Axelle Gay : Plus on sera nombreuses à répondre et à ne pas se laisser faire, plus on espère que les hommes vont réagir et se dire que ce n’est pas normal d’interpeller des femmes dans la rue. Le jeu permet aussi de se fédérer, c’est-à-dire, de se rassembler. Mais ce n’est pas facile. Dans la réalité, c’est normal parfois de ne pas répondre ! Il y a parfois des mecs dangereux. Mais il y a aussi beaucoup de mecs qui ne sont pas dangereux mais qui ont pris de mauvaises habitudes. Et il faut changer les habitudes ! Leur dire “quand tu me regardes comme ça, en fait ça me gêne”. Il faut qu’ils réalisent que c’est gênant. 

Halima : Moi, ce qui m’énerve, c’est quand on dit que c’est à cause des vêtements qu’on porte. Cet été, j’avais une longue et large jupe et il y a quand même un homme qui m’a suivi jusqu’à chez moi en me disant “tu es attirante ». Je me suis dit “quand même, ça n’est pas ma robe, elle est longue, j’aurais pu être en pantalon, ça aurait été la même chose. Les vêtements n’ont rien à voir là-dedans. 

Axelle Gay : C’est pour ça qu’il ne faut pas se laisser faire !

Halima : Où peut-on trouver le jeu ?

Axelle Gay : Le jeu, on peut l’acheter sur notre site internet “moicestmadame.fr”. Il est aussi dans des librairies et des boutiques de jeux. Il est plutôt à destination d’un public adulte mais il peut aussi fonctionner avec un public ado. On aimerait bien développer une version spéciale pour les ados. C’est un projet en cours…

Halima : je n’ai pas vraiment compris comment on y joue.

Axelle Gay : En fait le but du jeu, c’est de découvrir quel est ton profil de warrior  féministe. Comment ça se passe ? Chacun notre tour, on devient attaquant et on tire une carte attaque. Par exemple, là je tire une carte : votre grand oncle vous dit “oh ! La cuisine c’est un truc de bonnes femmes”. Les autres joueurs ont des cartes ripostes et le but est de trouver la meilleure riposte à cette attaque. Au cours du jeu, il y a aussi des défis et des challenges. Par exemple : “nomme 3 femmes dans la musique”. 

Halima : Yseult, Jorja Smith et Adèle

Axelle Gay : Voilà, tu gagnes des points étoiles !  Et si tu accumules des points étoiles, tu vas devenir experte, celle qui en sait un maximum sur la culture générale féministe. Si tu gagnes la lune, tu es apprentie sorcière, tu commences à prendre confiance en toi, tu t’inspires des répliques de tes grandes sœurs. L’audacieuse, c’est  celle qui va improviser, car à chaque fois tu peux sortir une “punchline” inventée par toi-même, et là tu gagnes un jeton Éclair. Quand tu as plein de jetons Éclair tu deviens audacieuse. L’actrice, c’est celle qui va utiliser les cartes Acteur Studio, tu dois “jouer” ce qu’il y a sur la carte. Et la sœur, c’est celle qui vient  défendre ses copines. 

Halima : Ça donne envie de jouer ! Et est-ce que tu réalises des animations avec ce jeu ?

Axelle Gay : Oui, on travaille avec des associations comme le Planning Familial par exemple, qui utilise le jeu pour permettre aux femmes de parler de ces sujets-là. 

Halima : C’est quoi ta punchline préférée ?

Axelle Gay : J’en ai plein ! J’aime bien “tu t’es pris pour Tripadvisor pour donner ton avis ?”
Si tu as des ripostes, donne-les moi et on les mettra dans la version jeune !

Halima Je vais réfléchir !