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La transversalité des solutions, un enjeu clé dans la lutte contre le réchauffement climatique

By 28 septembre 2022octobre 11th, 2022Fatchalire, Numéro 23

Docteur en biologie et écologie, Antoine Nicault a 20 ans d’expérience dans la recherche en écologie – écosystèmes méditerranéens et boréaux.
Il est  le coordinateur général  de l’Association pour l’Innovation et la recherche au service du climat (AIR Climat) et assure aussi la coordination et l’animation  du GREC-SUD.

Avec lui nous avons parlé de transition écologique

Tabasco : Quand on regarde les images d’archives dans le Fatchavoir, on constate que ça fait longtemps qu’on parle de transition écologique ?

Antoine : ça fait très longtemps effectivement, tu peux trouver des articles de chercheurs qui datent de 1930 et qui alertent sur l’utilisation du charbon et sur le gaz carbonique rejeté dans l’atmosphère qui peuvent potentiellement bouleverser le climat. Après, en 1972,  il y a eu le  rapport Meadows sur les limites planétaires. Des chercheurs alertaient sur les risques d’une croissance économique infinie dans un monde aux ressources limitées. Ça a fait pas mal de bruit, mais à l’époque surtout dans des groupes de convaincus. Et petit à petit, il y a de plus en plus de monde qui alerte sur notre impact sur l’environnement. La prise de conscience est longue. En 1990, le GIEC a publié son premier rapport et les résultats étaient déjà clairs ! Il était clairement dit que les activités humaines avaient un impact sur le climat. La prise de conscience est lente car les enjeux sont très complexes et on a du mal à les intégrer dans toutes leurs transversalités, dans toutes les conséquences que ça peut avoir.

Et ils sont en plus antinomiques avec l’évolution de notre société, qui est basée sur la croissance, le PIB, le capitalisme, le confort… Il y a donc des messages complètement opposés, et c’est difficile à intégrer.

Tabasco : Si on prend l’exemple des déchets plastiques, on sait depuis longtemps que c’est une catastrophe pour l’environnement.

Antoine : Ça c’est assez complexe. On sait que les déchets plastiques ont des conséquences graves sur l’ environnement mais le plastique a apporté aussi beaucoup de bénéfices dans l’évolution de la société. Il permettait même parfois de régler certains problèmes environnementaux et certains problèmes de précarité. Le problème c’est qu’on va trop loin. Il faut intégrer dans nos pratiques, dans nos usages et dans notre industrie, la composante environnementale. 

photo de Dustan Woodhouse

On pensait jusqu’à présent qu’on ne pouvait pas avoir une action assez forte sur la planète pour complètement bouleverser son système et son fonctionnement. Il s’avère qu’on avait tort et ça se voit partout ! Ça se voit dans les glaciers, ça se voit justement avec les plastiques qui sédimentent… Et c’est pour ça qu’on parle d’anthropocène : une nouvelle ère géologique où les traces de l’activité humaine sont ancrées, sont visibles dans la géologie. Si on va chercher dans la période du Jurassique, on va trouver des fossiles. Concernant notre période actuelle, on va trouver des fossiles mais on va trouver aussi des morceaux de plastique. Dans un million d’années, s’ils analysent, les scientifiques trouveront aussi de la radioactivité et beaucoup d’autres choses. Donc on met vraiment notre empreinte au niveau géologique, on bouleverse le climat et on détruit les habitats de la biodiversité. Et là on ne se rend pas compte qu’on est en train de détruire complètement le socle sur lequel on vit. 

Tabasco : Une partie de la jeune génération, consciente de l’urgence, manifeste une réelle angoisse par rapport à la fin de l’humanité. Toi qui travaille avec les acteurs du territoire et les politiques, est-ce que tu penses qu’ils veulent vraiment changer ?

Antoine : Aujourd’hui, il y en a beaucoup qui veulent changer. La prise de conscience est là, mais je pense qu’on ne se rend pas compte à quel point ça peut aller vite et à quel point on a déréglé le système. On ne s’en rend pas compte sinon on s’arrêterait tout de suite. Par contre aujourd’hui, on prend conscience qu’il y a un problème, que ça va vite et qu’il y a une nécessité d’agir. La difficulté réside dans le fait que c’est un phénomène global. Il faut que ça change partout car c’est un phénomène mondial. C’est extrêmement complexe avec plein de divergences qui se croisent. Malgré tout, il se passe beaucoup de choses à l’échelle des territoires et il y a beaucoup de grandes ambitions qui vont dans le bon sens.

photo de Callum Shaw

Ce qui est très difficile c’est de mettre en place des mesures et des solutions sur le territoire qui soient cohérentes les unes avec les autres, qui soient articulées et qui soient à la hauteur des enjeux et pertinentes sur le long terme ! Et pour ça il faut réapprendre à travailler tous ensemble parce que le phénomène est vraiment transversal. Aujourd’hui si on doit transformer un territoire, on a besoin de moyens humains, on a besoin de nouvelles compétences. Il faut transformer le système sur lequel on base les choses et ça c’est très compliqué ! Il faut transformer nos façons de faire, et ça avance, mais pas assez. Parfois, sur certains points il y a des choses qui avancent vite, mais il y a des choses complètement incohérentes de l’autre côté qui freinent.



Aujourd’hui, quasiment tous les services ont comme priorité le changement climatique, la transition énergétique, l’adaptation des pratiques pour l’agriculture, pour le littoral, pour le tourisme.

 


Tabasco : Tu peux nous donner des exemples de choses qui avancent ? 

Antoine : Ce qui avance très clairement, c’est la prise de conscience. Les gens constatent que les vagues de chaleur sont de plus en plus fréquentes et qu’elles ont des conséquences sur les activités économiques et sur notre santé. En 2022, il y a eu 11 000 morts liés aux vagues de chaleur en France. 

Les gens constatent aussi l’érosion du littoral, le fait que le niveau de la mer monte et  qu’il y a des territoires qui vont être sérieusement impactés. La Camargue, par exemple, est quasiment au niveau de la mer et elle va être impactée. Tout ça on s’en rend compte et on sait que l’on doit mettre en place des alternatives. Les agriculteurs savent très bien qu’ils sont les premiers concernés donc ils comprennent qu’il va falloir changer leurs pratiques. Et les solutions sont là. Certains les mettent en œuvre mais ce qui manque encore aujourd’hui c’est de l’information, de la formation et un accompagnement pour ces agriculteurs ; un accompagnement technique et un accompagnement financier. 

En fait, on ne peut pas changer tout seul. Quand on parle de changement de comportements individuels, de changements de pratiques d’un agriculteur, on ne parle pas de l’individu, il faut le penser dans un mouvement collectif sinon ça n’a pas de sens. Donc, cela doit être accompagné par des grandes directives de l’Etat, par les collectivités, par les entreprises, par les associations… Ce grand mouvement commence à se mettre en marche. Aujourd’hui, quasiment tous les services ont comme priorité le changement climatique, la transition énergétique, l’adaptation des pratiques pour l’agriculture, pour le littoral, pour le tourisme. On parle de plus en plus de tourisme durable. Tout ça est en marche mais il faut articuler toutes ces actions pour que ça aille encore plus vite et qu’on valorise tout les éco-bénéfices. 

Par exemple si je limite la voiture en ville, c’est pas juste une question de gaz à effet de serre, c’est une question de pollution atmosphérique qui cause des milliers de morts en France chaque année, c’est plus d’espaces agréables en ville, avec de la nature. Mais tous les différents secteurs concernés ne travaillent pas forcément ensemble et c’est très dur de valoriser l’éco-bénéfice.

 


Pour l’instant, si on sort du centre-ville, c’est des heures de transports en commun. Donc il faut créer des transports en commun efficaces et des parkings à l’entrée de la ville. Cet été en Allemagne, tous les trains étaient à 9 € par mois, ils ont été submergés. Tout le monde a pris le train !


 

Tabasco : à Marseille, on est encore loin de “moins de voitures en ville » !

Antoine : Oui mais c’est compliqué ! Je peux comprendre les gens : il faut des transports ! Si on veut changer tous ensemble, il faut que ce soit un mouvement collectif et il faut des alternatives. Il faut que ce soit beaucoup plus simple et plus agréable de prendre les transports en commun ou de prendre son vélo que de prendre la voiture. Aujourd’hui,  ce n’est pas le cas. Si on a des alternatives, on pourra vraiment faire une communication plus efficace. Et si on met des alternatives, on peut contraindre aussi. Aujourd’hui mettre un péage à l’entrée de Marseille, on ne peut pas. Il n’y a pas assez de transports en commun, ils ne sont pas assez efficaces.  Il y a un ordre dans les choses à respecter. Il faut d’abord des alternatives et il ne faut pas non plus que ça pèse sur les plus précaires. Il faut aider financièrement les plus précaires à passer le cap. 

Prenons l’exemple de la ZFE (Zone à faibles émissions). Normalement on pourrait en profiter, puisqu’on réduit la pollution atmosphérique, pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Pour ça, il faudrait en effet changer beaucoup de voitures, mais avant cela, on pourrait aussi, dans le cas de la ZFE, faire que ce soit une zone limitée à 30 km/h. Il y a plein de choses à mettre en place. 

Pour l’instant, si on sort du centre-ville, c’est des heures de transports en commun. Donc il faut créer des transports en commun efficaces et des parkings à l’entrée de la ville. Cet été en Allemagne, tous les trains étaient à 9€ par mois, ils ont été submergés. Tout le monde a pris le train !

Tabasco : Ils sont gratuits, actuellement en Espagne !

Antoine : Voilà ! Il faut de vraies mesures ! Changer le comportement des gens, c’est pas très difficile. Il y a 20 ans, quasiment personne n’avait un ordinateur portable, peu de monde avait internet, les smartphones n’existaient pas, on était dans un autre monde ! Et on a complètement changé nos comportements sur plein de choses. En fait, on change très vite de comportement quand on nous donne des alternatives et qu’on nous dit qu’elles sont bien. Là, ce qui est compliqué c’est qu’on fait peser le poids du changement climatique, le poids de l’érosion de la biodiversité, le poids des plastiques dans les océans, sur les comportements individuels exclusivement. On prend sa voiture, on n’éteint pas la lumière, on laisse le  robinet ouvert, on met la clim. Tout cela est important mais ce n’est pas suffisant. Pourquoi on met la clim ? Parce qu’on a mal construit. Il faut remonter aussi à l’origine du problème et pas juste focaliser sur le citoyen qui est au bout de la chaîne. Il faut vraiment des changements plus profonds et systémiques sur les choses.

Tabasco  : En effet, on demande aux citoyens de faire plein d’efforts et en même temps dans deux mois, ils vont regarder une coupe du monde qui se déroule au Qatar dans des stades climatisés, où est la cohérence ?

Antoine : C’est vrai, il y a un réel problème de cohérence. Si on demande au citoyen de faire beaucoup d’efforts et que de la part des États il n’y en a pas vraiment, il ne peut pas comprendre. Une fois de plus, c’est tous ensemble, c’est toute la société qui est concernée sur une échelle globale. C’est compliqué de se dire « c’est quoi mon poids là-dedans ? ». C’est là qu’il faut vraiment des transformations systémiques et prendre les choses dans leur ensemble. 

 



Dans le discours médiatique, on a l’impression qu’il y a une opposition entre le nucléaire, les énergies renouvelables, la sobriété… Mais non, c’est tout un ensemble. Il faut prendre tout à bras le corps et donc ça c’est un grand mouvement de société, c’est une transformation totale du système.


 

Parlons de l’énergie par exemple; on veut limiter la consommation d’énergie donc il faut de la sobriété, mais il faut aussi des alternatives en termes d’énergie. Et dans tout cela, il n’y a pas vraiment de priorité. Et le problème, c’est que tout est une priorité : l’énergie, les transports, l’agriculture.  

Mettre des énergies renouvelables, oui c’est la priorité. Démanteler le nucléaire aujourd’hui, ben non c’est peut-être pas la priorité. Parce qu’il faut un mix énergétique, donc il faut arrêter d’opposer des choses, et au contraire, pour que ce soit efficace rapidement, c’est l’ensemble qui doit être la priorité. II faut la mise en place d’un système qui permet justement de faciliter toutes ces économies d’énergie. Dans le discours médiatique, on a l’impression qu’il y a une opposition entre le nucléaire, les énergies renouvelables, la sobriété… Mais non, c’est tout un ensemble. Il faut prendre tout à bras le corps et donc ça c’est un grand mouvement de société, c’est une transformation totale du système. De l’Etat aux citoyens, on a tous notre part à jouer.

Tabasco : Est-ce que les politiques sont vraiment prêts ? Pendant la campagne présidentielle, tous ces changements nécessaires ont été peu évoqués.

Antoine : Juste avant les présidentielles, la préoccupation environnementale est redescendue mais aujourd’hui elle est quasiment au-dessus du pouvoir d’achat. Et d’ailleurs les deux sont liés : il faudrait qu’un jour on comprenne que c’est notre pouvoir d’achat aussi qui est en jeu. Le problème c’est que les médias quand ils font des débats auprès des politiques, ils n’abordent pas la question ou alors ils l’abordent très mal. Il faut que les journalistes fassent l’effort d’avoir des connaissances un peu plus fines sur le sujet. Cette thématique demande énormément de connaissances et elle est hyper complexe, mais on peut quand même monter un peu en compétences. Les sources d’information qui arrivent aux citoyens ne sont pas claires. Donc on ne comprend pas trop ce qui arrive, on ne comprend pas l’ampleur, ou alors on s’en fout, ou on a trop peur. On appréhende pas bien le sujet. 

Du côté des politiques, il y en a beaucoup qui se préoccupent vraiment du sujet.

La prise de conscience sur le territoire dans les services publics est là. Après c’est la vitesse et la façon dont on articule l’ensemble des solutions sur le territoire qui n’est pas assez rapide.

Tabasco : Y a t’il de grandes différences entre les territoires ? Avancent-ils au même rythme ?

Antoine : Non, cela n’évolue pas au même rythme car cela dépend beaucoup des personnes et il y en a qui sont plus en avance et qui ont réussi à mobiliser et à proposer des actions. Mais ce qu’il faut maintenant c’est partager les expériences et répéter les actions réussies d’un territoire. Il faut regarder ce qui marche ailleurs et faire circuler les bonnes expériences, transférer les connaissances. Il faut s’inspirer de ce qui marche bien et apprendre de ce qui marche moins bien pour pouvoir l’améliorer. Il n’y a pas de territoires exemplaires, cela dépend vraiment des contextes. Il y en a un, en ce moment, qui est mis en exergue, c’est le territoire de Mouans-Sartoux. La ville a acheté des terres agricoles et a embauché un agriculteur qui travaille en bio et qui alimente les écoles et c’est devenu un exemple.

Tabasco :  Et en ce qui concerne notre territoire, quelles sont les bonnes initiatives ?

Antoine : II y a plusieurs choses. Il y a le projet « Adapto », par exemple, initié par le Conservatoire du littoral et qui a pour objectif d’explorer sur les territoires littoraux naturels des solutions face à l’érosion et à la submersion marine. Au niveau des Salins de Hyères ou en Camargue, on ne met plus de digues. On a même déconstruit certaines digues pour laisser la nature jouer son rôle et sur le long terme, cela permet de désertifier le littoral et de laisser plus de place à la biodiversité. 

Il y a des choses qui sont mises en place avec plus ou moins de facilité et qui sont vraiment très bien et dont on peut s’inspirer. 

Sur le Plateau de Valensole, il y a le projet « Regain ». On sait que les lavandes dépérissaient et que les nappes phréatiques étaient polluées par le mode de culture des lavandes qui nécessitait beaucoup de produits chimiques. Ce projet « Regain » permet de passer en agroécologie et de changer les pratiques. Et cela va avoir des bénéfices en termes de dépollution des sols et des nappes phréatiques, des bénéfices en termes d’adaptation au changement climatique, des bénéfices en termes de séquestration du carbone, et il va y avoir à nouveau des habitats pour la biodiversité. 

Sur les immenses champs de lavande c’était une catastrophe écologique ! Il n’y avait que la lavande qui vivait là-dedans, et la fameuse cicadelle qui transmet un virus qui fait dépérir la lavande. Il y a plusieurs solutions qui se mettent en place et qui apportent beaucoup de bénéfices. Après il faut les suivre, les évaluer, voir ce qu’on peut adapter et ce qu’on peut faire évoluer pour que ça marche encore mieux. 

Tabasco : On a vu qu’à Marseille, il y avait un ferry “zéro particule » !

Antoine : Oui, c’est un filtre à particules. Moi je travaille surtout sur le climat donc le filtre à particules, globalement, c’est pas moins de co2, c’est moins de particules fines. C’est hyper important pour notre santé mais ce n’est pas ce qui règle le problème. On met des pansements sur une fracture ! Il faut aller plus loin. Aujourd’hui, il faut arrêter de construire des immeubles géants sur mer pour mettre tout le monde dans des boîtes pour partir en vacances ! 

 


Le problème, c’est qu’aujourd’hui, il faut aller beaucoup plus vite ! Dans 30 ans, les conditions climatiques vont avoir des effets extrêmement durs sur l’économie. Et tout ce système n’est pas viable dans un climat à plus de degrés.


 

Aujourd’hui, il faut électrifier les ports, ne pas tourner sur du kérosène non raffiné ou du gasoil non raffiné qui pollue Marseille. 

Électrifier les ports, mettre des filtres à particules, ça va dans le bon sens. 

Il faut transformer les bateaux et c’est très long. Pendant ce temps là ça pollue encore. Il faut aussi arriver à réduire ce genre de pratiques. On ne peut pas l’arrêter du jour au lendemain, il y a plein d’emplois concernés. Mais il faut penser à sa transition et cesser de le développer. Il faut de la sobriété, il faut être raisonnable. Il ne faut plus faire de croisières surdimensionnées comme cela. 

La sobriété, ça ne veut pas dire qu’on ne gagne plus d’argent, ça veut dire qu’on fait attention à ce que nos pratiques n’aient pas d’impact sur l’environnement. 

Le problème, c’est qu’aujourd’hui, il faut aller beaucoup plus vite ! Dans 30 ans, les conditions climatiques vont avoir des effets extrêmement durs sur l’économie. Et tout ce système n’est pas viable dans un climat à plus de degrés. Ce système capitaliste n’est pas viable en grande partie. Il faut l’anticiper dès maintenant !

Tabasco : C’est ça qu’on ne voit pas trop arriver justement…

Antoine : Globalement, les gens ont compris, les collectivités le savent, il y a des directives de l’Etat, des plans climat, des plans alimentaires territoriaux. Il y a les objectifs en termes d’énergies renouvelables, des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 55% d’ici 2030, donc cela va dans le bon sens. Mais il y a deux problèmes : un, c’est d’arriver à mettre vraiment ces objectifs en œuvre sur le territoire et donc de transformer réellement nos pratiques, et deux, les très grandes entreprises ont un peu plus de mal à changer leur façon de faire. Il y a des flux économiques énormes qui sont basés sur des activités qui ne sont pas vraiment vertueuses et tout cela est mondialisé ! Il faut arrêter de financer et de subventionner les entreprises non vertueuses. C’est ça l’antinomie. Il y a un grand système économique qui est un gros frein au passage à l’action, avec des gros lobbies.

Tabasco : Toi avec le niveau d’information que tu as, quand tu vois les actions sur les territoires, tu es optimiste ?

Antoine : Bon… La note d’espoir, c’est la prise de conscience générale. Je le vois très clairement. Le Grec Sud existe depuis 2015. On l’a créé juste avant la COP 21 et depuis cette date il y a un changement de la perception de ces enjeux du climat au niveau des gens, au niveau des collectivités et au niveau de la politique qui a énormément évolué. Donc ça c’est positif. Les grandes directives de l’Etat vont plutôt dans le bon sens mais pas forcément les mesures associées. Les solutions sont là, les services des collectivités sont conscients de l’enjeu. L’angoisse, elle est plutôt sur notre rapidité de réaction et sur la mise en œuvre cohérente et pertinente sur le long terme des solutions qu’on va appliquer sur le territoire. 

Comme on a attendu trop longtemps, nous n’avons quasiment plus le droit de nous louper ! Il faut y aller dès maintenant ! Si on le fait aujourd’hui, on a encore le choix. Plus on attend, moins on aura le choix de ce qu’il faut mettre en œuvre. Si on ne réagit pas, on va subir les changements sans s’adapter. On fera ce qu’on pourra vis-à-vis des événements et cela ne sera pas efficace. Donc il y aura des dommages collatéraux et il y aura des territoires qui vont perdre leur qualité de vie et leur attractivité.

Donc optimiste ? Je ne sais pas…

Tabasco : On reste désespérément optimiste…

Antoine : Le problème dans tout ça, c’est qu’il y a la question sociale. Elle doit être au centre. Si on ne prend pas en compte la question sociale dans toutes les mesures à prendre, cela ne marchera pas. Et puis aussi, je pense qu’on sous-estime les impacts. On ne se rend pas bien compte de ce qui va arriver…